Interview de M. Merhdad FARZIN POUR
Spécialiste dans le transport aérien et plus particulièrement dans l’évolution et l’analyse des données, qu’il suit depuis de nombreuses années. Au cours de sa longue carrière, il a été un acteur majeur dans la création et le développement des bases de données Air Transport Data (ATD) qui centralisent les résultats de trafic de l’aviation commerciale mondiale.
Pouvez-vous nous raconter l’histoire d’Air Transport Data (ATD)?
Tout a débuté en 1985, j’étais en poste au sein de l’Institut du Transport Aérien (ITA) à Paris. En octobre, il m’a été confié la mission de « créer une base de données informatique » à partir des données « Papier » sur le Transport aérien. Ce travail avait pour but de moderniser le support de ces données afin de les rendre plus accessibles au public.
En 1986, la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) a demandé à l’ITA d’enrichir cette base de données avec des informations complémentaires sur les compagnies aériennes (composition de la flotte, trafic aérien, données financières). C’est très précisément cette requête qui a lancé ATD…
À partir de ce moment-là, un portefeuille de contacts a été développé avec les différents acteurs du secteur aérien pour débuter la récupération des données. Ces échanges ont permis d’identifier un réel intérêt à développer cette base en intégrant de nouvelles données comme les aéroports, les flux entre les villes… C’est ainsi que sont nées les trois bases suivantes : « Aéroports » — « Compagnies aériennes » — « Courant trafic ».
Pouvez-vous nous décrire les grandes étapes du développement de ce projet?
L’ATD se résume en 3 grandes périodes :
- Jusqu’en 2006 : Pendant 20 ans, il a été question de faire un travail de consolidation et de développement des données sous l’égide de l’ITA.
Durant cette période, la commercialisation de l’ATD est lancée ! Il a également été question de poursuivre la recherche de nouvelles sources d’information dans le monde — l’objectif étant de pouvoir répondre aux besoins des clients.
- En 2006, L’ITA cesse ses activités et l’ATD est reprise par l’École Nationale de l’Aviation Civile (ENAC)
Pendant 13 ans, en plus des clients habituels, de nouveaux demandeurs voient le jour : les étudiants, les chercheurs de l’ENAC, le personnel de la DGAC…
- 2019 : le GIE « France Aviation Civile Services » (FRACS) rachète l’ATD. Depuis cette date, un travail de consolidation et d’enrichissement des données a été mené et est toujours en cours.
Quelles ont été vos motivations pour rester mobilisé sur le projet ATD durant plus de 30 ans?
Pour permettre de pérenniser un tel projet et être efficace, il faut y consacrer du temps. Au cours de ces 30 ans, de nombreux évènements se sont produits dans le monde et ont eu un réel impact sur le transport aérien : 11 septembre 2001 — le Volcan Eyjafjallajökullen 2010 — la COVID… Chaque situation ayant été différente, il a été très intéressant de pouvoir observer comment le secteur s’est relevé et a repris sa course.
Analyser les tendances, développer les bases de données, accroitre le portefeuille de contacts, mettre ce travail au service des clients ou de nos partenaires… Tout cela a été pour moi une source de plaisir et en toute franchise, je n’ai pas vu le temps passer.
Travailler sur une matière « vivante », évolutive et qui se renouvelle régulièrement est très motivant.
Quelles informations peut-on trouver dans votre base de données?
En réalité il faut parler de trois bases de données qui regroupent chacun des milliers d’informations annuelles sur :
- Les courants de trafic (mouvement pax et fret par liaisons)
Les premières données datant de 1970, cette base est annuelle et reprend en détail les trafics de passagers « ville à ville » et « pays-pays » partout dans le monde — soit environ 40 000 flux de trafic par an.
Chaque année, une enquête auprès des organismes nationaux, internationaux et des aéroports permet d’ajouter de nouvelles données à jour.
- Le trafic des aéroports (mouvement, pax et fret par aéroports)
Cette base regroupe quelque 3 000 aéroports — depuis 1970 — et permet d’avoir les informations suivantes :
– Mouvements : totaux, internationaux et intérieurs, cargo, aviation générale ;
– Passagers : nombre total, internationaux et domestiques, locaux, en transit ;
– Cargo : nombre total de tonnes de fret, international et domestique, nombre total de tonnes de postes.
De plus, depuis 1996 une enquête annuelle est effectuée auprès de tous les aéroports mondiaux. Celle-ci permet d’obtenir des données autrement introuvables, élargissant considérablement le nombre d’aéroports dans la base. Cela nous a permis de consolider et enrichir notre base de données au fil des ans.
- Les compagnies aériennes (finances, pax, flottes et fret) ;
Pour chaque compagnie aérienne, de nombreuses données sont recueillies régulièrement. Elles sont regroupées par grands thèmes :
– Données de trafic annuelles/trimestrielles (PAX, RPK, ASK) ;
– Résultats financiers ;
– Composition de la flotte.
Afin de bien comprendre le travail sur ces trois bases, il convient de souligner la plus-value de l’ATD :
- La multiplicité en nombre et en format des sources d’informations utilisées : Association Internationale du transport aérien (IATA), Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), les revues spécialisées : Airlines Monitor, Airlines Business, Airclaims… Des enquêtes annuelles auprès de toutes les administrations de l’aviation civile et les aéroports du monde entier…
- Un important travail de vérification et d’harmonisation des informations recueillies
- La mise à jour régulière des informations et des bases
Quelle est la cible?
Jusqu’à présent et depuis 20 ans, nos principaux clients et partenaires venaient du secteur aérien : concessionnaires d’aéroports, universités…
Depuis quelque temps et surtout depuis la COVID, nous avons pu identifier de nouveaux acteurs intéressés par notre service : les entreprises concurrentes au transport aérien (Compagnies de Trains, Bus, Hélicoptères…), les Institutions (Ambassades, Directions des ANSP…), les Bureaux d’études et de conseils spécialisés dans l’implantation de commerces, les organismes de tourisme, la presse spécialisée…
Nous adaptons nos prestations selon les demandes soit sous forme d’abonnement soit par nombre de données.
Pourquoi continuer à faire vivre cette base de données?
L’OACI avait cité dans l’un de ses communiqués, notre base ATD comme l’une des références mondiales dans le domaine des données de trafic de transport aérien, ce qui fait notre fierté !!
Elle présente l’intérêt de centraliser toutes les informations sur un grand nombre de composantes du trafic aérien ainsi que 30 ans de données, couvrant toute la période de la « Caravelle » à l’« A320neo » — ou encore du point de vue des compagnies aériennes du passage des compagnies nationales à des compagnies commerciales internationales et plus récemment l’avènement du modèle « low-cost ».
L’ATD de demain?
L’enrichissement des bases de données pourrait ne jamais prendre fin ! FRACS souhaite poursuivre son développement en intégrant de nouvelles données comme l’impact environnemental ou bien les conditions de reprise du trafic aérien suite à des évènements économiques — sanitaires — politiques…
Depuis quelques mois, nous mettons sur notre site internet — espace COVID — des données ATD accessibles par tous, détaillant l’évolution mensuelle du trafic passagers. Nous diffusons également un bulletin trimestriel reprenant un condensé de nos trois bases de données.